Article original disponible sur le site du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche, de la confédération Suisse.
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L’écart global de salaire entre les femmes et les hommes a reculé de 2,5 points de pourcentage en Suisse entre 2018 et 2022, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), pour s’établir à 9,5%. Dans l’intervalle, la nouvelle loi sur l’égalité est entrée en vigueur. Celle-ci exige des entreprises de plus de 100 personnes qu’elles effectuent une analyse de l’égalité salariale, la fassent auditer et en communiquent les résultats à leur personnel.
Toutefois, malgré ces statistiques et mesures fortes, les écarts salariaux restent importants en Suisse. Et plus les postes sont élevés, plus ils sont conséquents. Ainsi, les femmes occupant des positions à haute responsabilité gagnaient CHF 9’565 brut en 2022, contre 11’212 pour les hommes à des emplois de même niveau. Face à cette différence de près de 15%, chaque société, quelle que soit sa taille, doit prendre des mesures, estime la co-directrice d’Equal-Salary, Lisa Rubli.
Que vous inspirent les derniers chiffres de l’OFS?
Lisa Rubli: Ils sont encourageants, ils montrent que l’on va dans le bon sens. Néanmoins, près de la moitié des différences salariales reste encore inexpliquée et se fonde en grande partie sur le genre. En outre, les chiffres traduisent aussi l’existence d’un plafond de verre. Les salaires inférieurs à CHF 4’500 sont à 62% versés à des femmes, et ceux de plus de CHF 16’000 reviennent dans 75,4% des cas à des hommes.
Comment agit votre fondation, depuis sa création en 2010, pour faire évoluer cette situation?
Rubli: Notre fondatrice a eu l’idée de développer un outil pragmatique, positif et pratique pour favoriser l’égalité des salaires dans les entreprises. Aujourd’hui, Equal-Salary propose une certification qui s’appuie sur un audit à la fois statistique et qualitatif des organisations. Il s’agit d’analyser les salaires à proprement parler, mais aussi les processus internes. Nous avons délivré notre première certification à une société suisse en 2008, et la première certification pour toutes les succursales internationales d’une multinationale helvétique dix ans plus tard. En 2020, la fondation s’est mise en conformité avec la nouvelle loi sur l’égalité. Enfin, depuis cette année, sous réserve d’un contrôle pointu tel qu’effectué pour la loi sur les marchés publics, nous acceptons aussi les résultats obtenus à partir de Logib comme première partie de notre certification. Cet outil mis au point par la Confédération permet à tous les employeurs d’analyser gratuitement l’égalité salariale au sein de leur entreprise. L’ancienne conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a aussi repris la présidence de la fondation en 2024.
Quel bilan peut-on tirer de l’obligation pour les entreprises d’analyser l’égalité salariale, entrée en vigueur en 2020?
Rubli: Combattre les disparités salariales a gagné en importance: d’un objectif facultatif, c’est devenu une obligation légale. Nous avons d’ailleurs observé un regain d’intérêt pour nos certifications. Toutefois quelques failles doivent encore être corrigées. Nous souhaiterions notamment que cette mesure n’ait pas de date de fin (au lieu d’une clôture prévue actuellement en 2032) et qu’il y ait davantage de contrôles. Pour analyser les effets chiffrés de la mesure en Suisse, nous sommes aussi dans l’attente de statistiques plus précises et récentes.
Les entreprises détentrices d’une certification Equal-Salary sont essentiellement de grandes sociétés comme UBS, DHL, Richemont Group, PwC. Qu’est-ce qui freine les PME à adopter une telle certification?
Rubli: Nous avons audité des entreprises de tout secteur, de 116’000 à 62 collaboratrices et collaborateurs. Seul critère pour que notre méthodologie fonctionne: les organisations doivent compter plus de 50 personnes. Toutefois, la politique RH et les processus sont souvent mieux définis dans une grande entreprise que dans une PME. Le manque de ressources financières et temporelles constitue un défi pour cette catégorie d’entreprises. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous tenons désormais compte de l’outil Logib. Nous souhaitons faire gagner du temps aux entreprises qui l’auraient déjà utilisé, afin qu’elles puissent se concentrer sur la partie qualitative de la certification, plutôt que sur la partie statistique.
Que doit faire une PME qui souhaiterait favoriser l’égalité salariale?
Rubli: La direction doit être convaincue de l’importance de l’enjeu, afin qu’il soit bien ancré dans l’ADN de la société. Outre ce prérequis, il faut également se pencher sur la grille des salaires et son application. Il convient ensuite d’étudier tout le cycle de l’employé (recrutement, formation, promotion) en se dotant d’indicateurs précis. Il s’agira, par exemple, de tenir un registre avec le ratio femmes-hommes promus ou ayant accès à une formation.
Les mesures prises permettent de se conformer à la loi, mais quels autres avantages peut retirer une PME en mettant en œuvre de manière conséquente l’égalité salariale?
Rubli: Favoriser l’égalité des salaires et de représentation à des postes à responsabilités permet de mettre l’humain au centre de son entreprise. Les sociétés qui le font connaissent des retombées positives en termes de culture de travail, d’innovation et de productivité. Prouver son engagement au travers d’une certification facilite, en outre, l’attrait de talents et constitue une preuve de bonne gouvernance. Enfin, pour les sociétés actives sur le marché européen et comptant plus de 100 collaborateurs, disposer d’une politique en la matière offre une bonne préparation à la nouvelle Directive de l’Union européenne sur la transparence salariale, qui va plus loin que la réglementation suisse.